Dans une étude financée par la Chambre des salariés, le recours aux aides financières se révèle être semé d’obstacles pour les bénéficiaires potentiels qui finissent souvent par y renoncer.
Nous ne sommes pas là pour faire le procès de telle ou telle administration ou de tel ou tel ministère», prévient Anne-Catherine Guio, économiste et chercheuse pour le Luxembourg Institute of Socio-Economic Research (Liser). Mercredi, cette dernière et Anne Franziskus, chargée d’étude au Statec, ont présenté une étude financée par la Chambre des salariés sur la précarité et le non-recours aux aides financières. Un sujet d’étude qui met en lumière les obstacles en travers de la route de ceux qui voudraient bénéficier d’aides au Luxembourg. «Parfois, pour certaines aides, il y a 80 % de non-recours. On loupe l’objectif des aides», regrette Anne-Catherine Guio. Parmi ces obstacles, les administrations ont tout de même une grande part de responsabilité, selon l’étude.
Pour démontrer cela, huit aides ont été analysées : allocation de vie chère, prime énergie, subvention de loyer, crédit d’impôt monoparental, subvention pour ménage à faible revenu, avance et recouvrement de pension alimentaire, épicerie sociale et les aides communales. L’accès au tiers payant, au chèque-service accueil, à la garantie locative et au logement social a également été abordé lors d’une quarantaine d’entretiens qui ont permis d’identifier quatre problématiques qui expliquent, en partie, le non-recours à certaines aides.
L’information comme obstacle
L’étude démontre que l’accès à l’information est l’un des principaux obstacles aux recours d’aides, la recherche et la compréhension d’informations auprès des administrations s’avérant souvent compliquées. «Alors, certains disent l’avoir entendu par un voisin ou par quelqu’un sur un chantier.» L’étude préconise donc de rendre l’information plus accessible et dans toutes les langues. La mise en place d’un guichet unique fait également partie de la liste des recommandations, tout comme la création d’un simulateur en ligne regroupant toutes les aides et l’envoi d’informations par courrier aux bénéficiaires potentiels.
Les démarches de recours sont en elles-mêmes un poids pour les bénéficiaires, de par leur lourdeur et leur complexité. «On est surpris de voir des critères qui changent selon l’aide, parfois c’est le salaire brut ou net, parfois mensuel ou annuel», constate la chercheuse qui invite à une harmonisation des critères. Les personnes interrogées pointent aussi du doigt le renouvellement des aides bien trop complexe, bien trop long et qui se répète chaque année. Cela représente «un poids psychologique», qui peut s’accompagner d’un sentiment de honte et de stigmatisation pour les aides qui passent par un rendez-vous dans un office social.
«Un sentiment d’injustice»
Le caractère blessant de certains courriers et contacts avec l’administration serait aussi un point qui rebute. Les refus incompris sont notamment mis en cause, en donnant lieu à «un sentiment d’injustice, voire à un rejet du système d’aide». L’exclusion peut également passer par les textes législatifs qui, d’après l’observation des chercheuses, n’aident pas assez les étudiants ou les familles monoparentales. «Le plafond de certaines aides est jugé trop bas, notamment par rapport au salaire social minimum.»
Le personnel des administrations étant en première ligne face aux difficultés liées aux recours, le décalage entre la réalité administrative et celle des participants de l’étude doit également être résolu. Cela passerait par un contrôle interne au sein des administrations, ainsi que par l’exemple belge du recrutement d’experts, qui sont «des gens qui ont été à la place des bénéficiaires». Pour les recommandations, la liste est encore longue et Anne-Catherine Guio précise que «il n’y a pas qu’à, on sait que ce n’est pas facile». Toujours est-il que l’étude démontre clairement le besoin urgent de revoir l’accès aux aides, alors que «20 % de la population luxembourgeoise vit avec un risque de pauvreté et d’exclusion sociale».